Je suis en train de manger un nuage qui a le goût d'une barbe à papa, les pieds caressés par des algues violettes, dans mes longs cheveux qui ondulent au gré du vent chaud, quelques étoiles de mer me tiennent compagnie. Soudain, un petit miaulement. Un deuxième. Et une foultitude de mots, prononcés dans une langue et sur un ton que je ne reconnais pas: haba. Haba. Doudou? Lebébé? Ledoudou? Ta. Ta? Yayayayayaya! Mama? Mama. Papa. Mama. Maman. Papa.
J'ouvre les yeux. Au dessus de ma tête, la fenêtre laisse filtrer de l'air froid. Mes épaules sont froides et mes pieds tout chauds. Et j'entends dans la chambre ma petite fille qui babille.
Elle est calme, elle nous appelle, mais c'est parce qu'elle aime parler. Elle parle à son doudou, à la chambre, aux objets, elle s'écoute babiller, papoter, et s'amuse à prononcer des sons encore inconnus d'elle. Je suis fatiguée, elle s'est réveillée cette nuit, et il nous a fallu trois heures pour la rendormir. Mais trois heures durant lesquelles nous étions en colère, comme toujours quand nous sommes fatigués et réveillés en pleine nuit par une jolie bichette qui refuse de retourner gentiment se coucher. Ce matin, toute colère s'est envolée, comme toujours. Je ressens plutôt une bouffée de joie et d'amour en l'entendant dans sa chambre.
Péniblement, je m'extirpe du lit. Le papachéri dort encore. Ce matin, c'est moi qui suis suffisamment en forme pour me lever. Chacun son tour, et puis, il s'est occupé d'elle une bonne partie de la nuit. Je vais directement laver un biberon - pestant intérieurement contre notre flemme qui nous empêche de les laver au fur et à mesure. Dans la chambre, elle a entendu que quelqu'un se levait, et ses appels deviennent plus pressants. Pendant que l'eau chauffe, je vais la retrouver.
Elle est debout, dans son lit, et regarde vers la porte. Je la regarde au travers des vitres, et elle me devine. Elle pousse des cris de joie, petite sauvageonne au visage chiffonné. J'ouvre la porte, grand sourire d'amour aux lèvres. Bonjour ma chérie, ma puce, ma douce, mon chou à la crème, mon chat, mon petit oiseau des îles. Et ses yeux, encore plein de sommeil quand son corps est plein d'énergie, son rire coquin de lutin, ses câlins et ses petits bras qui s'accrochent à ma cou comme un koala.
Je la rapporte dans notre lit, et elle s'amuse à nous escalader. Elle chatouille les pieds, le cou de papachéri. Des bisous, des papouilles. Toute colère, toute rancoeur qui aurait subsisté ne peut que fondre comme neige au soleil.
Et puis elle s'agite et réclame son biberon de lait. Bibon. Lelait. Bibon. Je la repose par terre, elle va s'installer dans ce fantastique transat qui lui sert de chaise longue, à présent, et elle prend le biberon dans ses petites mains douces, son doudou toujours sous le nez.
Et comme tous les matins, mon coeur explose à la vue de ce petit miracle, mon amour.